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RSE & résilience : une stratégie face à la crise covid-19

 

En ces temps de crise, on ne parle plus d’entreprise sans penser résilience. A l’origine applicable aux individus, que recouvre ce terme pour une organisation ?

La Résilience Organisationnelle (Business Resilience) est le glissement d’une notion de psychologie vers le champ collectif. L’expression prend forme en sciences de gestion de crise dans les années 90 et se conceptualise jusqu’à sa définition actuelle : la capacité d’une organisation (entreprise, association, collectif) à absorber et surmonter les épreuves en dépit de conditions défavorables.

 

Crise(s) et RSE : une histoire mêlée

« La crise financière de 2008, avec ses conséquences économiques et sociales, a fait naître une crise d’une tout autre nature : une crise de défiance de la société civile à l’égard du fonctionnement des marchés. »

Ce sont les premiers mots de l’étude de France Stratégie sur la RSE et la compétitivité, une introduction qui augure le lien intrinsèque entre situation de crise et RSE. En effet, suite à la crise financière de 2008, le mouvement pour une mobilisation responsable des entreprises s’amplifie, porté par des porte-paroles d’horizons divers (associatif, politique, privé). Dix ans plus tard, ce sont 73% des Français qui pensent que « les entreprises ont plus de pouvoir que jamais pour transformer la société » d’après le Baromètre de l’Observatoire des Marques dans la Cité.

Au mois de février 2020, la rapide propagation du coronavirus présage une crise sanitaire mondiale. En France, les conséquences sur l’économie sont quasi-immédiates. Le 17 mars, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire déclare l’entrée en récession de l’hexagone. Au même moment, l’indice de référence de la Bourse de Paris affiche -12,3 %, une baisse jamais enregistrée depuis sa création en 1987.

Le monde de l’entreprise est ébranlé, en perte de repères, mais celles qui se sont engagées dans une démarche RSE se démarquent par leur résilience.

Concrètement quels sont les leviers de cette résilience ?

1) Un dialogue qui permet l’adaptabilité et l’innovation

Face à l’imprévu, réactivité et communication vont de pair. Dans cette période anxiogène, les entreprises impliquées dans le dialogue social ont su s’adapter plus rapidement que les autres. Par l’approche participative, elles ont profité du vivier de ressources que représentent leurs parties prenantes pour trouver un consensus de solutions acceptables par tous.

Exemple : Engagée dans une démarche qualité et RSE, la Caisse Nationale de retraite des Industries Electriques et Gazières (CNIEG) a mis en place 3 baromètres sociaux pour permettre aux employés de s’exprimer tout au long du premier confinement. La CNIEG a  ainsi pu élaborer des mesures adaptées aux réalités du terrain.

La RSE permet ainsi d’instituer un management inclusif et performant malgré l’éloignement géographique ou fonctionnel des centres de décisions et de production, éloignement accentué par le contexte pandémique. En amont, la RSE peut également prendre une forme de stratégie territoriale qui résiste mieux aux incidents de chaîne logistique des productions délocalisées.

 

2) Un réseau qui encourage la solidarité

S’impliquer dans une démarche RSE c’est l’opportunité d’intégrer un réseau d’entreprises partageant les mêmes valeurs. En temps de crise, cela veut dire trouver du soutien en échangeant des idées managériales, des services, du matériel…

Exemple : Le réseau Nantes RSE, communauté d’acteurs engagés depuis 2010 a élaboré sur son site le dispositif « Les Clés pour rebondir » apportant des aides financières, des échanges de bonnes pratiques et témoignages…

Une démarche RSE amène des entreprises d’un même secteur à s’entraider pour affronter la crise.

Exemple : Pour soutenir les cafés belges fermés en raison de la pandémie, le groupe brassicole AB-InBev a lancé Café Courage, une plateforme qui permet aux gens de payer leurs bières en avance. Celles-ci pourront être consommées dès la réouverture du café… ou pas : les utilisateurs peuvent aussi en faire don pour soutenir l’établissement. Pour chaque commande passée via la plateforme, le plus grand brasseur du monde offrira la même quantité de bières au bar.

 

3) Une cohérence qui éclaire le chemin

La RSE n’est pas un catalogue de bonnes pratiques mais la recherche de complémentarité entre ces pratiques. Donner de la cohérence c’est savoir où l’on va, cela permet de donner un cap à l’entreprise, qui embarque tous les collaborateurs. Face à la crise, beaucoup d’entreprises sont en difficultés et doivent faire des choix. Un grand nombre d’entre elles ont décidé de mettre en avant leur « Raison d’être ». Développée par la loi Pacte, la Raison d’être agit comme une boussole pour les guider sur leurs objectifs long termistes. La RSE se révèle être un véritable Business Model et donne de la cohérence et de la puissance aux décisionnaires en fixant les priorités

Exemple : Mattel, société américaine spécialisée dans les jouets et jeux, a réagi à la crise avec des actions concrètes en cohérence avec sa Raison d’Etre fondée sur l’éveil par le jeu. L’entreprise a lancé Mattel Playroom, une plateforme digitale d’activités, de tutoriels DIY et de contenus de marque pour accompagner les parents durant le confinement. Une bonne manière de renforcer sa mission de marque, à savoir créer des modèles de jeux pour enfants toujours en phase avec les réalités des familles.

4) Un réflexe de gestion de crise pour anticiper

Selon une étude de France Stratégie, on peut observer un réel gain de performance lorsque des dispositifs contraignants (lois, réglementation) sont en interaction avec des dispositifs volontaires. Autrement dit, les entreprises capables de transformer les normes en opportunités favorables à la RSE sont les plus compétitives sur le marché. En vérité, grâce au code du travail et à l’héritage social français, les entreprises en font déjà beaucoup sans le savoir ! Une stratégie RSE, c’est l’opportunité d’aller plus loin en combinant hard law et soft law pour répondre aux exigences de compétitivité avec un coup d’avance. Les entreprises sont ainsi mieux préparées aux contraintes des temps de crise.

Exemple : l’adaptation aux mesures de confinement a été plus aisée pour les entreprises ayant mis en place la semaine de quatre jours en amont de la crise. C’est le cas de Welcome to the Jungle, une plateforme spécialisée dans l’emploi, dont la productivité a même permis d’embaucher !

La gestion des risques est au fondement de la RSE, elle se concrétise par la matrice de matérialité, un outil permettant d’identifier, lister et hiérarchiser les risques et opportunités devenus critiques pour le business et les parties prenantes. La RSE c’est passer à l’action aujourd’hui pour ne plus être pris de cours demain.

 

5) un cercle d’investissements vertueux

En situation de crise, les indices boursiers reflètent directement les craintes des investisseurs. Une bonne gestion des risques et une projection sur le long terme des enjeux de l’entreprise rassurent les actionnaires. C’est la raison pour laquelle les fonds d’investissements durables ont enregistrés les meilleures performances durant l’expansion de la pandémie en Europe.

Novethic a publié une étude menée sur 397 fonds durables en actions qui observe une superformance de +1,4% de ces fonds par rapport aux fonds classiques pendant la phase baissière, jusqu’au 18 mars 2020.

Intégrer l’analyse extra-financière à l’évaluation des sociétés n’est pas seulement une lubie bien pensante. Cela participe d’une économie de marché dynamique dont les leviers d’investissement (humains, durables et financiers) se renforcent mutuellement.

 

Conclusion

Un des piliers de la RSE repose sur une conscience environnementale éclairée. La pandémie du Covid-19 est une manifestation de l’impact humain sur l’écosystème. Aujourd’hui, les modèles économiques et commerciaux doivent indispensablement apprendre à composer avec le temps long du renouvellement des ressources pour être pérenne.

La crise du covid-19, en affectant les individus et les modes d’organisation, a étiré notre temporalité de manière incertaine. Nous avons dès lors besoin de comprendre les réels enjeux à venir, de ramener l’inconnu au connu. Nous avons besoin de mettre en sens, en mots, en images et récits : c’est justement le coeur de la RSE.

Les évènements sont initiateurs de changement, ils sont signes de fragilités et vulnérabilité, mais aussi de solidarité et d’entraide, d’autogestion. La pandémie covid-19 a mis en lumière des structures plus résistantes que d’autres, modelées par des initiatives engagées et responsables d’entreprises qui ont su transformer leur modèle en inventant l’économie de demain.

La RSE est déjà en place.

Elle n’a pas fini de faire ses preuves et de nous convaincre.

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